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L’édition électronique : arrêtons de voler des rêves

Me voilà à nouveau, après une petite pause… Cette fois, c’est avec un sujet que j’ai croisé déjà à quelques reprises ces dernières semaines lors de mes lectures : le droit d’auteur, la transparence chez les éditeurs et les libraires, etc., tout ça dans un contexte des TIC. Ce qui me motive à en parler aujourd’hui, c’est que « tout le monde en parle », depuis que Seth Godin s’est vu refuser l’accès à la librairie virtuelle d’Apple pour son nouveau livre Stop Stealing Dreams. La raison : son livre numérique contiendrait des liens vers le site d’Amazon…

Souvent moins cher que sa version papier, le livre numérique vous donne accès à une panoplie de livres, dans le confort de votre foyer. Plus besoin de se déplacer : quelques cliques et vous pouvez vous plonger dans vos lectures. Son impact environnemental n’est pas très clair par contre, surtout lorsqu’on regarde un cycle de vie complet, qui considère la vie utile de votre liseuse électronique, et la durée que l’on soutire d’un livre papier (on peut le revendre, le donner à son entourage, etc.). Un avantage des livres numériques : l’accès gratuit aux livres libres de droits d’auteur (les « classiques »!). Le Projet Gutenberg, dans une pensée de type contenu libre (ou OpenContent), vous offre différents formats de livres numériques libres de leurs droits. Ces livres, en version papier, vous seraient un peu moins accessibles… Il y a donc beaucoup de raisons à prendre la voie du livre numérique (et la « voix » aussi, puisque la fonction de conversion texte-parole – text-to-speech – des liseuses électroniques vient en prime, amenant de nouveaux conflits(1)), et pour cela, le support des TIC est essentiel. Mais encore faut-il que l’indépendance du libraire virtuel demeure…

Parallèlement aux péripéties récentes de Seth Godin, une autre histoire de « fermeture » de la part d’Apple : la licence d’utilisation du logiciel iBooks Author, lancé en janvier dernier. Ce logiciel gratuit permet de créer du contenu (livres, manuels scolaires, etc.) qui, une fois publié, sera accessible via l’application iBooks. Le livre ainsi créé pourra aussi plaire aux utilisateurs du iPad puisqu’ils pourront profiter de contenus riches. Jusque-là, tout semble très beau. Mais voilà, il y a un « catch » : si vous comptez vendre votre livre, alors là, le EULA (pour End-User License Agreement) pourra vous surprendre (et le mot est presque faible…) :

if your Work is provided for a fee […], you may only distribute the Work through Apple and such distribution is subject to the following limitations and conditions: […]; and (b) Apple may determine for any reason and in its sole discretion not to select your Work for distribution. […] Apple will not be responsible for any costs, expenses, damages, […] losses including without limitation the fact that your Work may not be selected for distribution by Apple.

Si je résume : vous travaillez sur votre livre, vous utilisez l’outil iBooks Author (pour l’écrire, en faire la mise en page et le rendre accessible), vous pouvez alors publier ce livre QUE sur la boutique d’Apple et Apple se réserve le droit de vous refuser cet accès, et se dégage de toute responsabilité. Début février 2012 (soit moins d’un mois après le lancement initial), une nouvelle version (1.0.1) de l’application est disponible. Cette version ne modifie qu’une chose soit le EULA, qui clarifie certains aspects, mais n’élimine pas les restrictions de publication dans le format .ibooks(2) (vous trouverez ici des réponses aux questions fréquentes). Comme un blogueur mentionnait (il a pris le temps de lire le EULA…) : c’est comme si Microsoft demandait des droits d’auteur sur chaque présentation que vous faites avec Microsoft Office PowerPoint… Et comme d’autres l’ont mentionné, vous pouvez toujours utiliser autre chose pour vos publications… Bref, ça chauffe!

Et les TIC là-dedans? La distribution de livres numériques ne pourrait se faire sans le support des TIC. Les infrastructures requises ne sont pas si simples que ça à mettre en place, ce qui constitue une barrière à l’entrée. Et ce n’est pas votre libraire du coin qui peut développer sa liseuse électronique unique ou son logiciel d’édition, constituant une autre barrière. Doit-on alors s’inquiéter de la dépendance aux éditeurs (voir l’exemple du iBooks Author) et aux libraires (voir l’exemple de Seth Godin)? La réponse n’est pas si simple. Dans une perspective de développement durable, avec son pilier social, son concept de transparence et de dialogue avec les parties prenantes, est-ce qu’on peut prétendre à l’adoption de ces principes lorsqu’on regarde ces 2 exemples? Sans le vouloir, le titre du livre de Seth Godin répond peut-être à cette question : Stop Stealing Dreams (Arrêtons de voler des rêves)…

À bien y penser, ce sujet est sans fin et devrait faire l’objet d’une thèse et non d’un billet de quelques centaines de mots… D’ici là, sortez vos vieilles machines à écrire, et vous pourrez toujours télécopier votre ouvrage à vos amis(es)!

(1) Intéressant la controverse au sujet de la fonction texte-parole du Kindle 2! Pour plus d’info, le point de vue de Lawrence Lessig PhD, et celui de Roy Blount, président du Authors Guild.

(2) Tout aussi intéressant de savoir que le format .iBooks est basé sur le format ouvert ePub. Ici pour comprendre ce qui est considéré comme un sabotage.

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CES 2012 : Prix innovation, catégorie Eco-Design and Sustainable Technologies

J’aimerais amener aujourd’hui le sujet de Cycle de Vie de produits. C’est en feuilletant (virtuellement, sur mon iPad) les produits du CES 2012 que j’ai eu mon « eurêka moment » : un des produits honorés est-il vraiment vert?

On connait bien certains paradoxes : si une voiture électrique est alimentée par une source électrique provenant d’une centrale au charbon, est-ce vraiment un meilleur choix qu’une voiture à essence? Si votre tomate d’hiver pousse dans une serre québécoise, est-elle un meilleur choix qu’une tomate importée d’un pays où la chaleur et le soleil sont au rendez-vous toute l’année? Seule une analyse de cycle de vie de ces produits pourrait nous offrir une réponse avec justification.

Le produit dont il est question est un étui solaire de SolarFocus Technology Company Ltd pour votre Kindle, qui permet une recharge du Kindle et de le protéger du même coup. Il a été sélectionné dans la catégorie Eco-Design and Sustainable Technologies [Mise à jour janvier 2014: la liste 2012 de ces prix n’est malheureusement plus disponible]. Il se décrivait comme

Not only the epitome of GREEN, but also provide consumers with utility for powering their Kindle while « On the go ».

Wow, « epitome of GREEN » (que l’on pourrait traduire par un modèle environnemental), vraiment?

Si l’on regarde la page des spécifications pour ce produit (en date de la publication de cet article), on ne retrouve qu’une fois le terme Environnement (« The first solar book cover for the Amazon Kindle e-reader takes an environmentally friendly approach to enhancing form and utility. »), et une fois le terme Vert (« Show-off Your “Green” Gadget Everywhere You Go »). Et ce sont à peu près les seules prétentions environnementales décrites. Plutôt mince…

Pourquoi ai-je un problème avec ce produit? Sa fonction est un étui protecteur (aucun problème avec ceci), où l’on a intégré un panneau solaire permettant la recharge du Kindle sans avoir à le recharger de façon conventionnelle. Le panneau solaire remplace alors l’électricité utilisée lors d’une recharge, et seule une analyse de cycle de vie pourrait nous éclairer sur la prétention verte entre les impacts liés à la fabrication, utilisation et disposition du panneau solaire et les avantages qu’il offre sur la consommation d’énergie pour la recharge du Kindle. L’intégration d’un panneau solaire a d’autres avantages de type utilitaire : une plus grande autonomie dans l’usage du Kindle avant qu’une recharge conventionnelle ne soit nécessaire. Ici, on ignore la fonction du Kindle lui-même (celle du e-book) car ce n’est pas la fonction de l’étui (l’étui existe à cause de l’existence du produit Kindle).

Un autre facteur à considérer est la durée de vie du produit. L’étui en question est conçu exclusivement pour un seul produit (l’étui est moulé pour prendre la forme d’un modèle de Kindle), ce qui lie sa durée de vie à la vie du Kindle en question. Est-ce une bonne approche d’éco-conception? Qu’arrivera-t-il lorsqu’un nouveau modèle de Kindle aux dimensions différentes sera disponible? Les étuis précédents deviendront obsolètes? Quelle est la durée de vie programmée du Kindle (celle où le produit est rendu obsolète par l’arrivée de nouveaux produits plus performants et attirants)? Je serais prête à gager que la durée de vie réelle est plutôt courte…

J’avoue avoir lancé plus de questions que de réponses, n’ayant pas de données pure et dure. J’avoue ne pas avoir couvert d’autres aspects liés au Kindle et son étui. Voilà justement où se joue la communication verte : avec le peu d’information sur ce produit, j’ai peine à croire qu’il pouvait se qualifier dans la catégorie Eco-Design and Sustainable Technologies. Mais voilà tout le débat autour des gadgets présentés au CES.

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