L’édition électronique : arrêtons de voler des rêves
Publié par Diane Laflamme
Me voilà à nouveau, après une petite pause… Cette fois, c’est avec un sujet que j’ai croisé déjà à quelques reprises ces dernières semaines lors de mes lectures : le droit d’auteur, la transparence chez les éditeurs et les libraires, etc., tout ça dans un contexte des TIC. Ce qui me motive à en parler aujourd’hui, c’est que « tout le monde en parle », depuis que Seth Godin s’est vu refuser l’accès à la librairie virtuelle d’Apple pour son nouveau livre Stop Stealing Dreams. La raison : son livre numérique contiendrait des liens vers le site d’Amazon…
Souvent moins cher que sa version papier, le livre numérique vous donne accès à une panoplie de livres, dans le confort de votre foyer. Plus besoin de se déplacer : quelques cliques et vous pouvez vous plonger dans vos lectures. Son impact environnemental n’est pas très clair par contre, surtout lorsqu’on regarde un cycle de vie complet, qui considère la vie utile de votre liseuse électronique, et la durée que l’on soutire d’un livre papier (on peut le revendre, le donner à son entourage, etc.). Un avantage des livres numériques : l’accès gratuit aux livres libres de droits d’auteur (les « classiques »!). Le Projet Gutenberg, dans une pensée de type contenu libre (ou OpenContent), vous offre différents formats de livres numériques libres de leurs droits. Ces livres, en version papier, vous seraient un peu moins accessibles… Il y a donc beaucoup de raisons à prendre la voie du livre numérique (et la « voix » aussi, puisque la fonction de conversion texte-parole – text-to-speech – des liseuses électroniques vient en prime, amenant de nouveaux conflits(1)), et pour cela, le support des TIC est essentiel. Mais encore faut-il que l’indépendance du libraire virtuel demeure…
Parallèlement aux péripéties récentes de Seth Godin, une autre histoire de « fermeture » de la part d’Apple : la licence d’utilisation du logiciel iBooks Author, lancé en janvier dernier. Ce logiciel gratuit permet de créer du contenu (livres, manuels scolaires, etc.) qui, une fois publié, sera accessible via l’application iBooks. Le livre ainsi créé pourra aussi plaire aux utilisateurs du iPad puisqu’ils pourront profiter de contenus riches. Jusque-là, tout semble très beau. Mais voilà, il y a un « catch » : si vous comptez vendre votre livre, alors là, le EULA (pour End-User License Agreement) pourra vous surprendre (et le mot est presque faible…) :
if your Work is provided for a fee […], you may only distribute the Work through Apple and such distribution is subject to the following limitations and conditions: […]; and (b) Apple may determine for any reason and in its sole discretion not to select your Work for distribution. […] Apple will not be responsible for any costs, expenses, damages, […] losses including without limitation the fact that your Work may not be selected for distribution by Apple.
Si je résume : vous travaillez sur votre livre, vous utilisez l’outil iBooks Author (pour l’écrire, en faire la mise en page et le rendre accessible), vous pouvez alors publier ce livre QUE sur la boutique d’Apple et Apple se réserve le droit de vous refuser cet accès, et se dégage de toute responsabilité. Début février 2012 (soit moins d’un mois après le lancement initial), une nouvelle version (1.0.1) de l’application est disponible. Cette version ne modifie qu’une chose soit le EULA, qui clarifie certains aspects, mais n’élimine pas les restrictions de publication dans le format .ibooks(2) (vous trouverez ici des réponses aux questions fréquentes). Comme un blogueur mentionnait (il a pris le temps de lire le EULA…) : c’est comme si Microsoft demandait des droits d’auteur sur chaque présentation que vous faites avec Microsoft Office PowerPoint… Et comme d’autres l’ont mentionné, vous pouvez toujours utiliser autre chose pour vos publications… Bref, ça chauffe!
Et les TIC là-dedans? La distribution de livres numériques ne pourrait se faire sans le support des TIC. Les infrastructures requises ne sont pas si simples que ça à mettre en place, ce qui constitue une barrière à l’entrée. Et ce n’est pas votre libraire du coin qui peut développer sa liseuse électronique unique ou son logiciel d’édition, constituant une autre barrière. Doit-on alors s’inquiéter de la dépendance aux éditeurs (voir l’exemple du iBooks Author) et aux libraires (voir l’exemple de Seth Godin)? La réponse n’est pas si simple. Dans une perspective de développement durable, avec son pilier social, son concept de transparence et de dialogue avec les parties prenantes, est-ce qu’on peut prétendre à l’adoption de ces principes lorsqu’on regarde ces 2 exemples? Sans le vouloir, le titre du livre de Seth Godin répond peut-être à cette question : Stop Stealing Dreams (Arrêtons de voler des rêves)…
À bien y penser, ce sujet est sans fin et devrait faire l’objet d’une thèse et non d’un billet de quelques centaines de mots… D’ici là, sortez vos vieilles machines à écrire, et vous pourrez toujours télécopier votre ouvrage à vos amis(es)!
(1) Intéressant la controverse au sujet de la fonction texte-parole du Kindle 2! Pour plus d’info, le point de vue de Lawrence Lessig PhD, et celui de Roy Blount, président du Authors Guild.
(2) Tout aussi intéressant de savoir que le format .iBooks est basé sur le format ouvert ePub. Ici pour comprendre ce qui est considéré comme un sabotage.
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À propos de Diane Laflamme
Techy dans l’âme (et de profession!), je m’interroge sur l’application du développement durable dans le contexte des technologies de l’information et de la communication (TIC). TotaleTIC est ma vitrine qui peut donc se décomposer en Total et TIC, ou mon favori Total Éthique, à vous de choisir votre allégeance!Publié le 2012/03/12, dans Analyse de Cycle de Vie, Code source libre, E-commerce, Liseuse électronique, et marqué ACV, analyse cycle de vie, Apple, Développement Durable, iBooks Author, ipad, kindle, opensource, TIC. Mettre ce permalien en signet. 6 commentaires.
Tiens, je découvre ton blogue ! Bravo Diane!
Quant à Apple, ça fait des années et des années que je rejette leur approche. Leur OS sur leur hardware seulement, pas d’ouverture (ou très peu) à la compétition, etc… Microsoft supporte des tonnes de différents hardwares, tout comme Android de Google. La philosophie de ces compagnies est diamétricallement opposée. Je n’ai jamais été, et ne le serai jamais, du côté d’Apple. Vive les plateformes ouvertes! J’ai un iPad malgré moi, ce n’était pas mon choix.
Oh, et j’ai été bénévole un peu plus d’un an à Gutenberg. C’est bien amusant.
Merci Nicole de ta visite sur ce blog!
Quel a été ton expérience de bénévolat sur le projet Gutenberg?
J’aime aussi les plateformes ouvertes, mais le contraire peut avoir des avantages tout de même, sur le contrôle de la qualité et de la sécurité, le contrôle des standards ergonomiques, etc. Pour les gens qui, contrairement à nous, souffrent de « limitations technologiques », ces plateformes fermées offrent certains avantages… Mais ces dernières années, on a vu bien des barrières tombées et effectivement, la fermeture n’est plus le goût du jour.
Diane.
Avantage énergétique du livre classique: mes étagères sans fin de bouquins au sous-sol (je suis incapable de jeter un livre) isolent de manière non négligeable… et au pire du pire, peuvent servir de combustible pour le foyer en cas de crise de verglas ou de fin de calendrier maya.
Pas évident de se réchauffer au ras du iPad :)
Gros avantage des liseuses par contre: (re-) découvrir les grands classique gratuits — Voltaire, Victor Hugo, Balzac et cie. Avoir le choix sous le doigt rend la « lecture impulsive » beaucoup plus facile.
eh, moi aussi j’étais sur le projet Gutenberg il y a plusieurs années…
Bonjour!
Et quel était ton implication sur le projet Gutenberg? Je suis vraiment curieuse, là, c’est 2 sur 2!
Effectivement, le iPad comme source de chauffage, c’est pas fort, mais c’est heureusement pas la fonction du bidule (tout comme utiliser ses livres comme isolant écologique?)!
Tiens, je reviens faire un tour.. Es-tu au courant de ceci? http://www.ralentirtravaux.com/le_blog/?p=1808
Un manuel de français pour le secondaire 3 (approximativement) libre et gratuit, distribué comme iBook, qui se fait retirer des « tablettes » pour la mention de « libre et gratuit ».
Le tout est maintenant réglé, mais quelle manigance de la part d’Apple
Je n’étais pas au courant, et je suis sans mots!