Implantation de nouvelles technologies: Hydro-Québec fait face à ses parties prenantes
Un aspect du développement durable qui fait maintenant partie du paysage est la gestion des parties prenantes (PP). Qu’est-ce qu’une partie prenante? Simplifié, c’est un individu (groupe, organisme, etc.) qui est concerné par votre entreprise, ou qui est perturbé par les activités de cette dernière. Plusieurs typologies ont été développées afin d’identifier et « classer » des parties prenantes. Une d’entre elles, simple et efficace, se nomme le modèle de Mitchell. On a qu’à répondre à 3 questions : l’acteur a-t-il du Pouvoir? De la Légitimité? Est-il dans l’Urgence? Avec un seul OUI, on fait face à une partie prenante.
La notion de parties prenantes implique la reddition de compte par l’entreprise. Et les technologies de l’information se sont développées d’une façon telle que nul ne peut dorénavant ignorer la puissance des médias sociaux par exemple. Les individus, les groupes de pression, les médias, tout ce beau monde ont maintenant accès à des plateformes de blogues, des pages Facebook, des fils Twitter, etc., rendant chaque geste d’une entreprise vulnérable à la réplique immédiate. D’où l’importance de ne pas ignorer ses PP et de participer au dialogue.
Un des meilleurs exemples de mauvaise gestion des PP (et qui sera très certainement élevé au rang de « cas » dans les grandes écoles d’administration) est celui des gaz de schiste. Malheureusement pour moi, rien à voir avec les TIC. Donc merci à Hydro-Québec qui cette semaine m’aura livré un sujet lié aux PP. Je parle ici d’une nouvelle technologie testée lors d’un projet pilote, et qui ne fait pas l’unanimité : une nouvelle génération de compteur (je dois admettre que la portée du dossier Hydro-Québec n’est pas la même que celle des gaz de schiste…). Quel est le lien avec les TIC? La transmission et la gestion de données. Quoi qu’au départ, le sujet de la sécurité des données ait fait jaser, c’est maintenant la transmission de ces mêmes données et sa participation à la pollution électromagnétique (aussi nommé l’électropollution) qui amène à réflexions. Sur son site web, Hydro-Québec informe sa clientèle sur ce sujet, mais malgré tous ses efforts, des parties prenantes se mobilisent. Où est la faille?
La motivation des nouveaux compteurs provient d’un besoin : une forte proportion des compteurs ont ou vont atteindre la fin de leur vie utile. Quelques atouts pour les clients sont discernables (voir la section Quels sont les avantages pour moi ?). Comme consommateur, on comprend qu’il faut renouveler le parc de compteurs « à un moment donné », mais que si ces derniers amènent des questionnements sur la technologie sélectionnée, et que les avantages visibles pour le consommateur ne sont pas des plus attrayants, là, il faut « gérer ». Hydro-Québec a-t-elle vraiment consulté ses parties prenantes sur ce dossier? A-t-elle vraiment ouvert un dialogue? Selon la typologie de Mitchell, les groupes de pression impliqués, tels que l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), ont certainement un sentiment d’Urgence et de Légitimité. Et ils utilisent un certain pouvoir à mobiliser les médias envers leur cause. C’est la totale.
Hydro-Québec a fait une communication plutôt classique : information sur son site web et via sa brochure HydroContact [2012-10-07 – cette brochure ne semble plus être publiée depuis le printemps 2012], etc. Par contre, on ne sent pas qu’elle a bien géré les revendications des parties prenantes (citoyens et employés syndiqués) qui sont en désaccord avec le déploiement massif de ces nouveaux compteurs. Ici, je ne jugerai pas de la validité des arguments des uns et des autres puisque ce billet se veut une interrogation sur le dialogue avec les parties prenantes et la gestion du changement, peu importe les conditions. Son rapport de Développement Durable 2011 n’étant pas encore disponible, attendons alors sa sortie afin de valider comment Hydro-Québec s’évaluera sur les indicateurs liés à sa relation avec ses parties prenantes. Pour ce qui est du rapport 2010, il ne comportait qu’un petit paragraphe au sujet des compteurs à la page 35 (puisque l’installation dans le cadre du projet pilote s’est déroulée en 2011), et rien à propos des parties prenantes dans ce dossier. Petit rappel : un rapport de Développement Durable suivant le cadre du GRI doit aborder le sujet des parties prenantes.
En conférence de presse plus tôt cette semaine, la présidente d’Hydro-Québec Distribution, Isabelle Courville, semblait consciente qu’un changement technologique amène des préoccupations de la population, mais elle a, à mon sens, fait une erreur de type « pelleter le problème par en avant » lorsqu’elle a repoussé le dialogue à plus tard : « Et à ce moment-là [lors de la présentation à la Régie de l’Énergie], je suis sûre qu’on trouvera des solutions pour des cas qui resteront extrêmement marginaux, j’en suis certaine. ». Pourquoi ne pas gérer la situation dès maintenant, alors que le projet en est à l’étape du projet pilote? Hier, j’apprenais un petit détail lors d’une entrevue à Radio Canada avec Mme Courville (à 7:28 de l’entrevue) qui m’a éclairée sur l’impasse : la technologie sélectionnée demande à ce que les compteurs soient en série, en chaine si l’on veut. Et si j’ai bien compris, cela rend impossible à un résident de refuser l’installation, au prix de « casser » la chaine. Appelons ça le phénomène des lumières de Noël. Juste ce petit détail et je comprends mieux la problématique : Hydro-Québec ne veut/ne peut pas changer sa technologie sélectionnée. Et c’est là l’enjeu : le dialogue doit s’ouvrir dès maintenant, sans plus tarder, afin que toutes les parties (entreprise incluse) en arrivent à une entente, et que le passage à venir devant la Régie de l’énergie devienne qu’une formalité. Je vais garder un œil intéressé sur ce dossier, c’est certain!
PS : Je vous laisse quelques liens concernant les arguments des uns et des autres.
La Presse – Compteurs intelligents d’Hydro-Québec: aucun risque pour la santé
Protègez-vous – Nouveau compteur d’Hydro-Québec: trop cher?
MAJ Février 2013 :
Les liens de ce billet vers le site d’Hydro-Québec semblent changer à tous les quelques mois, donc désolé s’ils sont obsolètes au moment de votre lecture, je tente de « suivre les changements » lorsque cela est possible.
Publié le 2012/01/27, dans GRI, Parties Prenantes, et marqué compteurs, Développement Durable, GRI, Hydro-Québec, parties prenantes, pollution électromagnétique, Technologie de l'information, TIC. Mettre ce permalien en signet. 1 commentaire.
Je n’ajouterai pas d’huile sur le feu sur les compteurs (j’ai fait ma part :) mais le sujet est plus large. Maintenant tout groupuscule possède une tribune sur laquelle il peut monter pour faire du bruit contre tout projet. Comme les médias voient une bonne controverse avec bonheur et qu’ils doivent nourrir leur mécanisme de nouvelles continues (portail web ou canal télé dédié), tous ces cas marginaux ont leur 15 minutes de gloires généralement démesuré par rapport à la valeur réelle de la cause.
Le problème ici est qu’il devient impossible de faire quoi que ce soit: pour une opposition au gaz de schiste (j’admet que je fais un jugement de valeur ici), doit on empêcher la création d’un parc pour ne pas se mettre à dos les allergiques aux pollens?
Sous des aspects modernistes et ouverts, on se construit en fait une société de plus en plus obscurantiste et fanatisée. Aucun projet n’est sans coût mais le « pas dans ma cour, même si c’est invisible, inodore et silencieux » nous dirige directement à la stagnation.
Avec la tribune doit venir l’obligation de documenter et d’avoir des sources factuelles, vérifiables et répétables. Toute autre forme d’argumentation n’est que du bruit et devrait être traité comme tel.